AUTISME

     Depuis 6 ans, je me suis spécialisée dans l'accompagnement de personnes TSA. Le fond de dotation "TFA-du répit pour une meilleure vie" me fait confiance et finance des séances me permettant d'assurer un suivi régulier, sur plusieurs années, des enfants, adolescents et de jeunes adultes TSA.

 

Grâce à ce suivi régulier sur, au moins, deux années, et l'accord des parents, j'ai développé et réalisé un projet de recherche avec le laboratoire ECP de l'université Lyon 2, dans le cadre d'un doctorat en sciences de l'éducation. Il s'agit, pour moi, de montrer que le processus relationnel qui s'instaure entre l'intervenante, le cheval et le bénéficiaire des séances peut s'apparenter à une expérience esthétique et être responsable de la transformation du rapport à l'autre. Ceci, pour montrer de quelle manière l'équithérapie agit sur notre mode d'être en relation et instaurant une altérité lors de nos notre rapports aux autres.

 

Au risque de vous étonner, mais je vais m'en expliquer, le livre de Bettelheim "la forteresse vide" a été une grande source d'inspiration pour mettre en place ma méthode d'accompagnement des personnes TSA. Je partage l'avis de certains professionnels, comme Maria Rhodequi pense que "certaines des contributions de valeur de Bettelheim ont été oubliées à cause du discrédit dont il a été l’objet." (Rhodes, 2019, p. 155). Je garderai certains de ses propos que j'ai pu vérifier sur le terrain, et je ne rentrerai pas dans la polémique à son sujet.

 

Je ne crois pas au fait qu'un parent ou un proche serait responsable de l'autisme de l'enfant, mais je pense qu'une interprétation subjective de l'enfant, en proie précocement à un conflit psychique, l'a conduit à désinvestir certaines domaines de son environnement et dimensions de son psychisme. Le cerveau a des propriétés plastiques, comme l'ont montré les dernières découvertes scientifiques. De cette manière ce trauma précoce aurait induit un remodelage des capacités cérébrales de la personnes, engendrant des troubles neurodéveloppementaux. 

 

J'ai plusieurs casquettes : monitrice-éducatrice D.E. ; équithérapeute indépendante ; et experte en questions éducatives et de bien-être (humains et animaux).

L'accompagnement autour d'une activité avec le cheval permet de créer un lien d'attachement avec le bénéficiaire TSA pour le conduire vers la découverte de sa personnalité et de ses potentialités, par l'expression de sa créativité. Je vous explique comment.

 

Je développe ma méthode d'accompagnement selon trois axes : 

Mes 3 axes de travail

1. une motivation - un plaisir

 

Quel que soit le profil des bénéficiaires que j'accompagne, la motivation de la personne est la première actrice des séances. Rien n'est possible sans elle, sauf à formater la personne dans des actions réflexes qui ne l'aideront pas à se construire en se découvrant et en s'intéressant aux personnes qui l'entourent.

 

Le cheval est l'essence de la motivation de la personne. Sa présence rend possible beaucoup de choses dans l'ordre du lien d'attachement, de l'échange affectif et de l'investissement de l' environnement par des initiatives et des actions spontanées.

2. le pouvoir sur l'environnement - acteur de son activite

L'enfant TSA peut être parasité dans le fil de son action par une multitudes de stimulations sensorielles qui l'empêche de mener à bien un de ses objectifs principaux lorsqu'il se trouve en présence du cheval : l'équiper pour pouvoir le monter.

Force a été de constater, au cours des années, combien cet enfant est en capacité de s'investir dans ce qu'il fait avec beaucoup d'intérêt et de concentration, pour peu qu'il soit encouragé et féliciter dans ses tentatives d'action. L'étayage de l'accompagnatrice est essentiel pour le confirmer dans ce qu'il fait, dans sa capacité à y parvenir, car cet enfant trahit un grand manque de confiance en lui. Il s'agit d'encourager, d'y croire pour lui, sans faire à sa place.

Bettelheim affirme que les enfants bougent de leur position autistique quand on les rend actifs. « Ils reviennent à la vie, seulement lorsque nous pûmes créer les conditions, ou être les catalyseurs, qui les induisent à agir de leur propre chef. » (Bettelheim, 1969, p. 35)

Et il insiste sur le fait que « plus je peux faire ce que me semble valoir la peine d’être fait, plus je suis moi-même. » (Bettelheim, 1969, p. 61)

Et il nous rappelle que « la vie intérieure et la personnalité ne se développent pas pour bénéficier d’une plus grande richesse en sensation ou en expérience intérieure. La personnalité ne se développe que pour une seule raison : commercer avec le monde extérieur en espérant pouvoir l’influencer. » 

       Autour des actions indispensables pour s'occuper de son cheval, afin de pouvoir être porté par lui, l'enfant TSA va occuper le temps et l'espace de la séance d'équithérapie à sa manière. Rien n'est anodin dans ses comportements, mouvements et actions. Ce qui, pour nous, est dépourvu de finalité et de sens, ne l'est pas pour cet enfant atypique. Ainsi notre perception de sa manière d'habiter ce temps de médiation ne doit pas être évalué à l'aune de nos normes sociétales basées, aujourd'hui, sur l'efficacité, (de ce qui serait produit), et la rentabilité (de ce qui serait effectué). Il nous amène à considérer la vie et le monde qui nous entoure, autrement.

 

Bettelheim refuse de porter un jugement sur l’expérience des enfants, en employant des termes comme : « temps vivant » ou « temps mort » ; « activité » ou « non-activité ». Pour lui, « les moments privés de finalités étaient loin d’être perçus comme une absurdité ou un signe de désespoir ». (Léon ; Menendez, 2009, p. 95). 

3. une créativite - des strategies

Il n'y a pas une manière de faire. Pas une manière de monter sur le cheval, de le conduire, de le caresser, de s'intéresser à lui, ...

Si la sécurité des inter-actants et le bien être du cheval ne se discutent pas, la manière d'arriver à ses fins diffère selon notre perception de notre environnement. C'est en laissant cet espace-temps ouvert, sans imposer une manière de faire, tout en proposant, que la créativité de la personne va s'exprimer, révélant ses potentialités à son entourage comme à elle-même. Ces "révélations" sont autant de chance pour la personne de progresser dans l'affirmation de sa personnalité.

               L'expérience m'a montré que la personne TSA va évolué dans sa manière de considérer l'animal. De l'animal objet, source de jouissances durant le portage, le cheval va devenir intéressant en lui-même, pour ce qu'il est. Certains enfants vont s'intéresser, au moment de la récompense à sa manière de croquer la carotte, au mouvement de ses maxillaires, etc ... Une autre personne, va progressivement trouver plus d'intérêt au temps de préparation et de rangement qu'à être sur le cheval.  Et tant d'autres exemples qui montrent combien le cheval est moteur pour amener la personne TSA à progresser dans l'ouverture à son environnement et à l'autre en tant que sujet l'obligeant en douceur à sortir de son besoin de sécurité et de son état de défense par le contrôler de son environnement.